Longtemps valeur refuge incontestée, l’or traverse une zone de turbulences. Depuis la rentrée, le métal précieux recule sur fond de raffermissement du dollar et de discours prudent de la Réserve fédérale américaine. Les investisseurs scrutent les signaux de la Fed, partagés entre l’idée d’un cycle de baisse des taux et la crainte d’une inflation persistante. Résultat : l’or subit la force du billet vert, même si son rôle d’assurance patrimoniale reste intact.
Un métal sous influence monétaire
Après avoir touché des records au printemps, l’or a perdu près de 7 % en un mois. En cause : le rebond du dollar, dopé par les anticipations de politique monétaire américaine. Plus le billet vert se renforce, plus l’or, libellé en dollars, devient coûteux pour les investisseurs étrangers.
La dernière réunion de la Fed a accentué le mouvement. Si l’institution de Jerome Powell a laissé ses taux inchangés, elle a insisté sur la nécessité de rester « vigilante » face aux tensions inflationnistes. De quoi doucher les espoirs d’un assouplissement rapide. Les marchés à terme tablent désormais sur une première baisse en mars 2026 seulement, contre décembre 2025 il y a encore quelques semaines.
« La force du dollar reste l’ennemi numéro un de l’or », résume Christopher Dembik, stratégiste chez Pictet AM. « Tant que la Fed maintiendra une ligne dure, le métal aura du mal à reprendre le chemin de la hausse. »
Entre refuge et spéculation
Cette volatilité illustre un paradoxe : l’or reste recherché comme valeur refuge en période de tensions géopolitiques et d’incertitudes boursières, mais il se comporte de plus en plus comme un actif spéculatif sensible aux flux de devises et aux anticipations de taux.
La demande physique — bijoux, banques centrales, ETF adossés à l’or — continue de soutenir les cours à long terme. Mais à court terme, ce sont les arbitrages des investisseurs institutionnels qui dominent. Quand le dollar grimpe, ils réduisent leur exposition au métal pour profiter du rendement des actifs en devise américaine.
Pour les particuliers, l’équation est complexe. Faut-il profiter du repli actuel pour acheter à bon compte, ou attendre une correction plus marquée ? Les conseillers patrimoniaux recommandent de conserver l’or comme une assurance de portefeuille (5 à 10 % des actifs), sans chercher à « timer » le marché. « L’or n’est pas un actif de performance, c’est un actif de protection », rappelle Dembik.
Le dilemme des investisseurs
La trajectoire de l’or dépendra avant tout de l’évolution de la Fed. Si l’inflation reflue plus vite que prévu, l’hypothèse d’un cycle de baisse des taux dès 2026 soutiendrait mécaniquement le métal. À l’inverse, si la croissance américaine reste solide, le dollar pourrait prolonger son rallye et maintenir l’or sous pression.
Les facteurs géopolitiques demeurent également à surveiller : conflits au Proche-Orient, tensions commerciales entre États-Unis et Chine, incertitudes électorales aux États-Unis. Autant d’éléments qui peuvent déclencher un regain d’appétit pour l’or en cas de choc.
En somme, le métal jaune reste une pièce maîtresse de la diversification patrimoniale, mais sa dynamique immédiate se joue davantage dans les couloirs de la Fed que dans les mines d’Afrique du Sud ou d’Australie. Les prochains mois diront si l’or confirme son statut de refuge intemporel… ou s’il reste prisonnier de l’ombre du dollar.